THE KILLER - 1989 - Hong Kong - 104 minutes.
De John Woo avec Chow Yun-Fat, Danny Lee, Sally Yeh, Chu Kong.
John Woo est connu mondialement pour la violence ultra-stylisée et la chorégraphie de la violence qui s'opèrent dans ses films. Cependant, la ou certains y voient de vulgaires films d'action stylisés à outrance, d'autres y voient des oeuvres certes spectaculaires et maniéristes, mais également bouleversantes, touchantes, et dont le style quelque peu excessif n'a que pour but de véhiculer des émotions très fortes... C'est ça THE KILLER, un polar culte qui ne vaut pas seulement par ses scènes d'action contrairement à ce que beaucoup voudraient faire croire. Pur remake du SAMOURAI de Melville, THE KILLER s'impose comme un des meilleurs polars de tous les temps ainsi que l'une des meilleures oeuvres de John Woo, une véritable tuerie intergalactique qui mérite bien quelques modestes explications!
Soyons clair, il y un avant THE KILLER et un après THE KILLER. Avant ce film, il n'y a jamais eu rien de tel. L'arrivée de ce film à complètement révolutionné le cinéma d'action, et a engendré MATRIX tout comme il a mis Scorsese sur le cul (le film lui est d'ailleurs dédié) et a inspiré Quentin Tarantino... Ce n'est donc pas de nimporte quel film dont on parle, puisque tout comme Sergio Leone, John Woo à investi un genre pourtant maintes fois exploité auparavant (ici le polar) et l'a révolutionné en imposant son style à chaque instant. Car c'est de la que vient la révolution, c'est de la que viennent tous ces mecs qui tirent avec deux flingues dans les mains tout en sautant partout, c'est de la que viennent tous les ralentis tant utilisés dans les films d'action pendant toute une époque. Tout ça, John Woo l'a fait avant et mieux que tout le monde, faisant preuve d'une maitrise jamais égalée, et ce, aussi bien d'un point de vue technique que scénaristique (j'y reviendrai, promis!). Signant des plans somptueux et faisant preuve d'un sens du cadre incroyable, John Woo chorégraphie également ses fusillades avec un brio incroyable, toujours sous l'influence du genre qu'il préfère... La comédie musicale, et oui car malgré la violence de ses films, John Woo reste un grand admirateur de comédies musicales, composant donc le moindre de ses films de la même façon, expliquant la présence quasi-omniprésente de la musique et le montage du film, Woo montant les images de son film à partir de la musique et non la musique a partir des images.... Mais en soit peu importe, le résultat à l'écran est détonnant, ça blaste, ça fait exploser tout le décor, ça saigne et ça tire de partout mais dans les moments les plus paisibles, la symbiose entre les images et la musique vous donnera des frissons, la bande-son étant aussi belle que la photographie...
Pourtant, si Woo laisse une grande place à l'action dans son film, ce sont les personnages qui en sont le point central. Reprenant le cultissime LE SAMOURAI mais le remixant à sa sauce, John Woo dresse le portrait de 4 personnages tous aussi touchants les uns que les autres, qu'il s'agisse de Jeff, tueur professionnel au noble code d'honneur et aux objectifs touchants, ou du flic Li, véritable justicier dans l'âme, John Woo prend ces personnages à la base simples, et les magnifie au travers de scènes d'une grande subtilité ou de dialogues certes naïfs et maladroits mais dont la bancalité est largement compensée par la puissance de l'interprétation. Chow Yun-Fat y fait en effet preuve d'un charisme exceptionnel mais livre également une de ses meilleures interprétations, tantôt subtil, tantôt émouvant, le bonhomme montre toute l'étendue de son talent, au même titre que Danny Lee ou de Chu Kong dont les magnifiques prestations donnent vie à des personnages bouleversants qui font face a d'autres personnages bien plus détestables. Manichéen, THE KILLER l'est assurémment, John Woo ne nuance jamais réellement son histoire mais le tout reste d'une grande efficacité, le manque de nuances dans l'histoire étant largement compensé par la puissance des personnages et de l'histoire...
Qui plus est, ce manichéisme n'est finalement rien de plus que le résultat des obsessions de John Woo posées sur pélicule. Obsédé par l'amitié, la loyauté, la trahison, l'honneur et la rédemption. Thématiques centrales de THE KILLER, mais également du reste de la filmographie de John Woo, elles sont abordées ici de manière très explicite voire maladroite mais sont également le moteur d'émotions puissantes. En effet, l'un des points forts de THE KILLER est sa puissance émotionnelle incroyable. Bouleversant, THE KILLER l'est à bien des égards, mention spéciale à son final qui risque de vous assommer un bon coup et de vous laisser K.O, Woo enchaine les scènes poignantes tout comme il enchaine les fusillades cultes, et si THE KILLER est un grand film d'action, c'est également un sublime drame humain, et ce autant dans ses enjeux que dans son dénouement. THE KILLER est une oeuvre puissante émotionnellement, chose que les détracteurs de John Woo n'arrivent pas à voir, malheureusement pour eux... Dans toute cette tornade de sentiments et d'émotion fortes, John Woo parvient néanmoins à construire un scénario solide, parvenant à éviter avec brio toute forme de temps morts, malheureusement ce scénario est légèrement désavantagé par des dialogues assez mal écrits, mais en soit peu importe, le reste compense ce mineur défaut dans ce qui reste une oeuvre majeure du 7ème art.
THE KILLER est donc ni plus ni moins qu'un véritable chef d'oeuvre, un polar bouleversant animé par des personnages tous plus touchants les uns que les autres. John Woo s'impose pour la première fois avec ce film comme un véritable génie, maitrisant ses scènes d'action comme personne et faisant preuve d'un talent technique incroyable. Pour la première fois, le bonhomme impose réellement son style et révolutionne tout le cinéma d'action, exploit qu'il réitèrera 3 ans après avec le génial A TOUTE ÉPREUVE... La classe. THE KILLER est un des meilleurs films de John Woo, un véritable chef d'oeuvre qui n'a pas à rougir de la comparaison avec LE SAMOURAI, son modèle auquel il est d'ailleurs peut-être supérieur... Il s'agit donc d'un film à voir absolument.