VILLA CAPTIVE - Emmanuel Silvestre, France, 2011, 1h22.
Avec Emilie Delaunay, Dario Lado, Shalim Ortiz, David Perez-Ribada, Derek Evans, John Corby, Xavier Tchili.
Une actrice porno a besoin d’un break. Elle part s’installer dans une villa en Floride. C’est sans compter un drôle de voisinage…
« Une série B, un vrai film de genre, avec la bite et le couteau » : on ne saurait mieux résumer VILLA CAPTIVE qu’Emmanuel Silvestre (aka Jack Tyler), le réalisateur du film, lui-même. Présenté le 18 juin dernier au Nouveau Latina, dans le cadre des précieuses soirées Panic Cinéma, ce rape & revenge, tourné à Miami d’une caméra légère et inspirée (Un Canon 5-D), frappe en plein dans le mille. A partir d’un argument basique, l’auteur nous agrippe pour ne nous lâcher qu’au générique de fin (signalons l’apport d’une vraie bande-son originale, signée John Silvestre, le fils du réalisateur). Pornocrate par désir de tourner davantage que par pure érotomanie, Emmanuel Silvestre tient LES CHIENS DE PAILLE de Sam Peckinpah en haute estime, mais dit s’être davantage inspiré pour son premier film garanti sans coït de réussites récentes du cinéma violent, telles DEATH SENTENCE, BULLY, PUSHER et autre remake de LAST HOUSE ON THE LEFT.
Première grande idée de VILLA CAPTIVE : faire d’une actrice de porno française le personnage central d’un long métrage entièrement tourné en terre américaine. La plongée du « corps de cinéma » par excellence (la star du X) dans un milieu étranger est le détonateur numéro un du film. Ce contraste sert la crédibilité de l’œuvre et de son interprète principale, qui donne paradoxalement l’impression de jouer faux dans la courte scène introductive, où elle apparaît dans son « blond de travail ». Mais le film ne se perd heureusement pas dans d’inutiles scènes d’exposition. Le temps d’une engueulade avec son manager (excellent Xavier Tchili), et Audrey décide de « couper » avec le porno pour aller se reposer au soleil de la Floride. La célébrité de Lucy Lust (le pseudo « X » de Liza Del Sierra dans le film) va la rattraper. Reconnue par l’un des camarades de son jeune logeur, « porn geek » aussi simplet que flippant, la vedette du porno va susciter la cupidité.
La suite de VILLA CAPTIVE, bénéficiant d’un excellent découpage, donne à voir le piège qui se referme sur Audrey, à deviner les viols dont elle est victime et à savourer la revanche qui s’ensuit, conformément aux règles du genre. Malgré son petit budget (moins d’1 million d’euros de l’aveu du réalisateur lui-même), VILLA CAPTIVE ne sombre jamais dans le second degré potache. Mû par un vrai désir de cinéma, et l’énergie de ceux qui ont « retenu » leurs rêves très longtemps (« Je ne peux pas passer mon temps à écrire des films qui ne se font pas »), Emmanuel Silvestre a su joliment retranscrire cette urgence à l’écran, en cohérence avec le bouillonnement des (inter)actions qu’il met en scène. Bénéficiant de l’excellent casting réalisé localement par le biais d’une agence, VILLA CAPTIVE tire le meilleur de ce choc des cultures.
« Je n’ai pas appris mon texte. Ma façon de faire a été de faire comme je le sentais, explique Liza Del Sierra. J’étais très bien entourée, par des acteurs de grand talent. J’ai simplement eu à réagir. » Une analyse juste mais partielle, tant la prestation de la gouailleuse jeune femme, dont la ressemblance avec Cristina Ricci saute aux yeux, vaut aussi par son abattage purement physique. Il y a hélas fort à parier que le public ne découvre pas de sitôt cette autre facette du talent de l’actrice : malgré ses grandes qualités formelles et narratives, ainsi que son respect sincère et sans calcul du genre dans lequel il s’inscrit, VILLA CAPTIVE n’a pas encore trouvé de distributeur. Puisse cette chronique, aussi modeste soit-elle, l’aider à y parvenir ! Stelvio