Shaitani Dracula (2006?)Réalisé par : Harinam Singh
Pays: Inde
Shaitani Dracula, c'est l'art de l'anti-film, de l'apogée de la désobéissance artistique (volontaire ou non, ça reste à voir) pour en arriver à un oeuvre qui refuse de se compromettre face aux conventions, tendances et traditions. Mais c'est aussi un artefact culturel unique : le plus grand film produit par l'industrie du cinéma grindhouse à micro-budget de l'Inde.
Réduit à sa narrative la plus simple, Shaitani Dracula c'est l'histoire d'un jovial Dracula indien, moustachu et bedonnant à souhait (interprété par le réalisateur et producteur, Harinam Singh) qui, à l'aide de ses jolies demoiselles vampires de compagnie (l'on pourrait facilement se méprendre et le croire proxénète) et quelques goules aux masques de caoutchouc (en plus d'un squelette et d'un loup garou), terrorise de jeunes gens afin de trouver sa bien aimée Sheetal.
Sans pour autant être le premier ni le dernier à prétendre au titre de Dracula en Inde, le Dracula de Singh se démarque par sa paresse incroyable. Il passe une bonne partie du film à traîner dans sa cour arrière et à jaser avec les dites jolies jeunes demoiselles vampires. à l'occasion, il se fâche et fait une série de déclarations orageuses qui s'accompagnent, bien évidement, de tonnerre et d'éclairs.
Difficile de craindre un vampire dont les manches sont trop longues et les crocs en plastique, mais si l'on arrive à outre passer les limites budgétaires de cette étrange création, l'on y trouve un film qui ne ressemble tout simplement à rien d'autre.
Singh semble proposer un pied de nez aux règles les plus élémentaires du cinéma, règles pour lesquelles même Doris Wishman à son plus pire maintenait un semblant de respect, règles que même Ed Wood maîtrisait avec un soupçon d'habilitée. Le loup garou, qui ressemble déjà à une mascotte, perd à deux reprises sa tête lors d'une altercation avec une victime. Singh va-t-il reprendre la scène ? Eh bien non. L'acteur perd la tête de son costume, mais l'on tourne quand même. Il la perd encore, mais Singh refuse de s'arrêter.
Les diaboliques assistantes vampiriques trébuchent sans cesse et vont presque tomber du haut de leur brouette (ou enfin le moyen de transport utilisé pour les séquences où elles doivent voler), pas que les jeunes gens soient si terrifiés que ça de toute manière.
Et que dire de cette oie qui apparaît en avant plan, cachant ainsi une partie des acteurs pendant une partie de la scène ? Était-ce prévu ?
C'est dans cette confusion des plus totale que l'on aborde le travail de Singh. Si, la question linguistique y joue un rôle. Ceci dit, il me semble difficile d'envisager en quoi les dialogues pourraient remettre un certain ordre à ce chaos cinématographique si jamais je pourrais y comprendre autre chose que "I love you, Sheetal, I love you!".
D'un autre coté, c'est ce même chaos qui fait le charme de cet oeuvre. Sans le vouloir, Singh s'approche du monde onirique des "grands" dont le cinéma fait les gorges chaudes dans les milieux intellectuels ainsi que parmi les amateurs de cinéma de répertoire. L'art, le grand art semble toujours avoir les traits du rebelle qui refuse d'obtempérer et impose de façon presque dictatoriale ses codes et son langage. Singh agit en quelque sorte comme un Fulci ou un Argento, proposant un univers où la logique n'a plus de place et les règles sont, au mieux, aussi floues que la majorité des plans.