nachthymnen
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| Sujet: Lune froide, Patrick Bouchitey, 1990 Mar 8 Avr - 17:24 | |
| Lune froide de Patrick Bouchitey, 1990. France, 90 min. Avec : Jean-François Stévenin, Patrick Bouchitey, Jean-Pierre Bisson, Laura Favali. - Citation :
- Simon et Dédé sont deux paumés vaguement alcooliques, se traînant entre les comptoirs de bars et le canapé fatigué de chez Dédé, qui passe son temps à boire de la bière et à rêver d’une carrière musicale de rock star qui ne verra sans doute jamais le jour. Ce dernier vit chez sa sœur et son beau-frère, Gérard, un homme qui tète bien la bouteille également, et aux excès coléreux fréquents. Refusant de se soumettre à une vie ordinaire, les deux acolytes passent leurs nuits à errer, s’amusant de tout et enchaînant connerie sur connerie au fur et à mesure que l’alcool s’engouffre dans leurs veines et que la lune semble étrangement briller de plus en plus. Ces derniers semblent inséparables, malgré quelques disputes de plus en plus violentes qui surviennent de temps à autre lorsque Dédé évoque le mot « sirène »… Mot lié à un évènement obscur s’étant déroulé quelques années auparavant lorsque lors d’une de leurs habituelles virées nocturnes, les deux compères avaient volé le corps d’une jeune fille dans une ambulance… Après avoir ramené le cadavre chez eux puis l’avoir baisé, ils s’en sont alors débarrassés en pleine mer. Mais Simon, depuis cette sombre histoire, n’est plus tout à fait le même, tombé amoureux du corps anonyme, ce dernier semble affligé et incapable d’affronter la tristesse que lui renvoie le monde réel…
Entièrement tourné en noir et blanc, Lune froide était à l’origine un court-métrage de 26 minutes réalisé en 1988 par Patrick Bouchitey, qui avait travaillé son scénario à partir d’écrits de Charles Bukowski (les textes "The Copulating Mermaid of Venice" et "Trouble With the Battery" plus précisément). Après avoir obtenu le Grand Prix du Festival du court-métrage de Clermont-Ferrand en 1989, c’est avec l’aide de Jacky Berroyer que le réalisateur va réécrire le récit afin cette fois-ci d’en faire un premier long-métrage, qui sera par ailleurs, pour information, un des premiers films produits par Luc Besson. Malgré son thème dérangeant et le ton assez humoristique avec lequel Bouchitey aborde cette histoire de deux marginaux partageant une expérience nécrophile, Lune froide a été présenté en sélection officielle au Festival de Cannes durant l’année 1991, avant d’être nommé aux César de la meilleure première œuvre l’année suivante. Pourtant mal reçu par une critique souvent virulente, et censuré dans de nombreux pays, Lune froide n’est qu’une manière, un peu particulière certes, de mettre en scène une amitié un peu désespérée entre deux compagnons de glande, une relation amour-haine entre deux grands enfants qui refusent de se plier aux normes sociales, même si Simon de son côté, semble un peu plus responsable que Dédé, être faussement jovial, musicien raté, aux comportements amoraux qui dissimule ses sentiments derrière une façade plus fragile qu’il ne veut bien le laisser paraître. Lune froide s’attarde donc sur les déambulations plutôt joyeuses de notre duo, qui au fur et à mesure que la nuit s’avance deviennent de plus en plus dangereuses, virant parfois dans le malsain, car tous deux partagent tout : galères, bouteilles de vin, femmes… et cadavre… Leur vie est d’une tristesse absolue, seulement rythmée par les moments partagés lors des nuits folles qui accompagnent leurs excursions, souvent perturbées de bagarres et autres soucis de mecs bourrés. Une descente aux enfers accordée de belle manière à une bande-son mêlant titres de Jimi Hendrix et compositions de Didier Lockwood. La lune froide, connue également sous le nom de lune du loup correspond à la morne période de janvier et, est fréquemment associée à la mort et à la désolation (voir http://www.adapa.org), ce qui correspond parfaitement à l’expérience morbide vécue par Dédé et Simon durant la nuit où ils ont dérobés un corps devant un hôpital, situation sans doute lancée suite à un pari d’ivrognes « je t’avais dit qu’on ne rentrerait pas seuls ». Trimballant celui-ci sans s’inquiéter de quoi que ce soit, ces derniers vont ramener le corps toujours enveloppé de son linceul chez Simon. Pensant qu’il s’agit du corps d’un vieux, ces derniers vont mettre un petit moment à retirer le drap qui recouvre le corps, l’ambiance troublante et l’attente qui naît de longs silences sont soudainement brisés alors que nous découvrons le corps nu, encore tiède d’une superbe jeune fille aux courbes parfaites. Simon ne pourra pas se retenir longtemps et va commencer à embrasser la morte, la caresser avant de lui faire l’amour devant le regard inquiet, un peu horrifié puis amusé de Dédé, qui finalement va se laisser tenter lui aussi… Lune froide est un film assez étrange, qui se regarde comme un conte assez violent et glauque, mais non dénué d’une certaine poésie morbide. L’expérience nécrophile, véritable fil conducteur du film, n’est pourtant là que pour nous faire partager le quotidien de deux hommes, liés par un abominable secret qu’ils ne peuvent révéler et qui les poursuivra encore longtemps, tout comme les images crues qui vont nous rester en mémoire durant de longues années. Mais, tout comme dans l’excellent C’est arrivé près de chez vous, l’humour est omniprésent au sein du récit, rendant nos deux paumés assez attachants, un peu dans le style du couple Dewaere – Depardieu dans Les valseuses. Jean-François Stévenin (Les Chiens de guerre, Total Western, etc.) est étonnant et touchant dans le rôle qui lui est attribué ici, et Patrick Bouchitey (La Vie est un long fleuve tranquille, Les Démons de Jesus, etc.) s’en sort de belle manière également avec son personnage excentrique et méprisable, que l’on se plaît pourtant à trouver sympathique. Le reste du casting est composé de seconds rôles absolument crédibles, et l’on retrouve parmi les acteurs de nombreuses têtes connues comme Jean-Pierre Bisson, Jean-Pierre Castaldi ou encore Jackie Berroyer. | |
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