IRREVERSIBLE est à ce jour mon choc cinématographique le plus fort. Découvert à Noel (oui le père Noel est subversif de par chez moi.), je ne m'en suis jamais remis. Ce film m'a donné envie de faire du cinéma et c'est sans doute le seul film que je ne me lasse pas de revoir... Une de mes œuvres favorites en somme! Et le fait que le film m'ait autant retourné m'a surpris à un moment donné. Comme beaucoup de gens, je m'étais orienté vers ce film (et de manière générale vers la carrière de
Gaspar Noé) pour la violence extrême qui à fait sa réputation. Je m'attendais à un film violent. J'en ai eu pour mon argent. Mais je ne m'attendais pas à trouver un film aussi perturbant, aussi glauque, mais en même temps aussi beau... Totale surprise,
IRREVERSIBLE, qui était à la base l'objet d'une fascination morbide est devenu pour moi une obsession, je n'ai cessé de voir et de revoir le film pendant 2 mois pour en décortiquer tous les aspects et aujourd'hui je pense pouvoir dire avoir compris cette oeuvre qui cache plus de sens qu'elle ne semble en déceler, en déplaise à tous les abrutis qui n'ont visiblement pas maté le film en entier puisqu'ils résument cette œuvre gigantesque à un viol dur mais loin d'être le pire de tous (voir le viol de
Chiens de paille...), voire pire, qui qualifient
IRREVERSIBLE d'oeuvre fachiste la ou c'est en réalité l'oeuvre la plus humaniste mais aussi la plus métaphysique vue sur un écran depuis longtemps... Car contre toute attente,
IRREVERSIBLE est un film au potentiel philosophique assez fort, qui traite du temps et de la vie mais aussi et surtout de la condition de l'homme... Voire même sur l'évolution de ce dernier, car monter le film complètement à l'envers (la première scène est le générique de fin) n'est pour moi pas qu'un choix de mise en scène : c'est un choix qui change tout le propos du film, ceux qui jugent ceci comme un simple artifice inutile (mais qui ne disent pas ça quand
Nolan fait la même chose sur
Memento ou quand
Tarantino fout la fin de son
Pulp Fiction au milieu, mais comme violer une femme au cinéma c'est scandaleux c'est pas bien et bien tout d'un coup
IRREVERSIBLE devient totalement inutile.) ne me semblent pas avoir compris le film : non seulement, ce choix rend les scènes du début beaucoup plus fortes. On est largués dans une histoire à laquelle on ne comprend RIEN, dès le début on se retrouve dans cette boite homosexuelle glauque, la musique de
Bangalter est absolument insupportable et la violence n'en devient que plus percutante de par l'absence totale d'explication, est-elle gratuite pour autant? Non, dans la mesure ou tout est expliqué avec le temps, mais ce choix change également le film en lui-même : au lieu d'aller crescendo dans la violence, c'est le contraire qui se produit (
Gaspar Noé à inventé le "Revenge and Rape"
) ). On commence le film dans la merde totale, les hommes sont de véritables animaux, de véritables gorilles (Et la je vais dire un truc qui plaira pas à tout le monde mais
IRREVERSIBLE dans sa structure évoque pas mal de fois
2001 : L'odyssée de l'espace ), on finit sur un
Vincent Cassel aimant et adorable alors qu'une heure et demi plus tôt il collait des baffes à tous les homosexuels d'un club si poétiquement nommé "Le rectum"... Mais ce choix de monter le film à l'envers n'est-il pas la aussi pour cacher le pessimisme qui se cache derrière
IRREVERSIBLE? Comme l'indique la première et dernière réplique,
LE TEMPS DETRUIT TOUT, une façon de rappeler en quelque sorte que si le film est monté à l'envers, c'est la vie de plusieurs personnes qui sont parties en poussière ici...
Et puis est-ce un hasard si
IRREVERSIBLE tourne autour du sexe? Non, car c'est une oeuvre sur l'homme et ses aspects sauvages, et qu'y a t-il de plus représentatif de ces aspects de l'homme que le besoin de baiser? Voila qui enlève selon moi toute gratuité à l'oeuvre de
Noé, les questions "Pourquoi un viol, et pas un meurtre?" (Oui en France le meurtre au cinéma, c'est mieux que le viol, c'est honteux...), "Pourquoi une boite homo?" trouvent leurs réponses,
Noé présente les hommes comme de véritables animaux, capables du pire, de véritables êtres sauvages, mais par son montage, il fait évoluer ces hommes, évolution que ces hommes atteignent grace à l'amour, car
IRREVERSIBLE est une grande histoire d'amour, tout le film pivote autour du personnage de
Monica Bellucci, qui est gracié de tous les privilèges mais qui se prend aussi les plus grandes misères dans la tronche, autour de ce personnage,
Noé introduit deux personnages, ceux de
Cassel et celui de
Dupontel et forme aussi un trio amoureux porté par des acteurs étonnants qui se livrent aux joies de l'improvisation dans des dialogues génialissimes mais dont les grandes lignes regorgent de sens (Comme cette réplique "Arrête putain, même les animaux ils se vengent pas." qui représente bien ce que je disais concernant le rapport homme/animal développé ici). A cette thématique humaniste exploitée se rajoute une thématique moins exploitée mais qui n'a pas besoin de l'être dans la mesure ou les scènes de violence font office de piqures de rappel : la vie c'est dure, y a des merdes comme ça qui arrivent mais il ne faut pas oublier qu'a côté on peut toucher au bonheur. C'est exactement comme ça que je décrirai
IRREVERSIBLE, un film noir, violent et répugnant mais aussi un film dont la deuxième moitié regorge de bonheur. Et finalement,
Noé, dans son oeuvre, traite du temps. Le temps dans la vie, qui détruit tout, mais aussi du temps dans l'art, jouant avec la temporalité, car le cinéma est une réunion de tous les arts mais qui diffèrent de tous les autres arts de par le montage, qui joue avec la temporalité.
IRREVERSIBLE, c'est ça, le film d'un mec qui va dans la merde la plus crasse et la plus profonde pour en ressortir des bouts d'humanités tout en envoyant des chocs dans la gueule de son spectateur au passage, le but de la démarche est bien évidemment en partie de choquer. Je pense qu'on a tous vu pire ici, pas de quoi s'éterniser 150 ans sur la violence d'
IRREVERSIBLE, mais c'est tout de même un film très violent et surtout très glauque et stressant :
Noé distille une tension incroyable en jouant avec les couleurs, il livre une oeuvre au visuel absolument DINGUE, entièrement tournée en plans-séquences absolument terribles, faisant des choix de mise en scène qui laisseront des gens perplèxes (Certains ont cru bon de dire que
Noé faisait office d'effets de caméra gerbants pour se donner un style, alors qu'il s'arrête passée la partie "violente" du film... Prouvant bien que c'est un choix de mise en scène.) certes mais qui témoignent d'une maitrise technique de l'oeuvre et d'une volonté de foutre une baffe à tout le monde, car avec
SEUL CONTRE TOUS (de
Noé également),
IRREVERSIBLE est l’œuvre la plus subversive qui ait été tournée en France ces dernières années, et si on aimera ou on aimera pas le film de
Noé, c'est quand même une chose qu'il est impossible de lui retirer : fallait quand même avoir les couilles de faire un film comme ça en France.
Alors, au final, le chef d'oeuvre de
Gaspar Noé? FUCK YEAH.
-ZE RING-