Kerozene
Nombre de messages : 3521 Date d'inscription : 16/01/2006
| Sujet: LA VIERGE VIOLENTE - Koji Wakamatsu, 1969, Japon Mar 19 Fév - 10:11 | |
| aka: VIOLENT VIRGIN Incapable de rester tranquille dans son coin, Wakamatsu s’attaque cette fois-ci à un milieu qu’il connaît bien, celui de la pègre. Au travers d’une histoire minimaliste (on est très loin de Kinji Fukasaku) et inévitablement perverse où un homme et une femme, membres d’un même clan, sont humiliés par les leurs au milieu du désert sur ordre de leur chef, notre ancien yakuza s’attaque à tous les niveaux hiérarchiques d’un univers qu’il juge sans avenir. Fort d’une imagerie symboliquement marquante (la fille est ligotée nue à une croix trônant au centre d’un no man’s land noir et blanc), le réalisateur dresse un bilan sur les nombreux aspects négatifs que représente l’empire du crime. Ces aspects sont représentés via plusieurs éléments éparpillés autour d’une trame qui est autant un prétexte aux propos du cinéaste qu’à un étalage de perversités typiquement japonaises. Selon Wakamatsu, le yakuza est orgueilleux et arrogant. Il a souvent l’ambition de jouer au petit chef puis d’éventuellement monter en grade ; ou alors c’est un loser, une petite frappe sans envergure qui restera une petite frappe toute sa vie. Dans le film, l’orgueilleux, c’est notre victime. Un homme accusé de jouer au petit chef justement, un type qui a peut-être eu tort de trop l’ouvrir. Résultat, il a gagné le droit de se faire appeler chef par une poignée de petites frappes imbéciles et de baiser des putes pendant une journée avant de - sans doute - se faire exécuter. Hormis cela, la vie de yakuza implique des sacrifices. Le plus évident de ceux-ci étant celui de la relation amoureuse. Et alors que notre homme est contraint de se taper des putes ivres, c’est sa petite amie qui finie ligotée à la croix telle une martyre subissant les humiliations d’une bande de crétins et la vision de l’homme qu’elle aime s’envoyer en l’air sous la contrainte. Pas franchement heureux, ce dernier aura le temps de rêver quelques instants à celle qu’il aime, ce qui donne lieu à des scènes aux couleurs chatoyantes lors desquelles il va jusqu’à sucer les orteils de la belle crucifiée, s’abreuvant ainsi de son sang coulant d’une blessure mortelle infligée par une balle tirée malencontreusement par lui-même. Et si ce sont les petites gens qui en prennent autant dans la gueule, c’est bien parce que les grosses huiles s’en amusent. Petites frappes ou sbires orgueilleux, tous ne sont finalement que des pantins à la merci d’encravatés plein de pognon que la misère du petit personnel ne cesse de divertir. Guère différent du capitaliste de base, le yakuza est finalement plus intéressé par le profit et le divertissement que par le bien d’autrui, même si autrui fait partie de son clan. Comme toujours chez l'auteur, c'est donc l'autorité qui est attaquée. En ce sens, on est bien loin du respect des codes de l’honneur que l’on peut observer dans les films de yakusas traditionnels… Et chez Wakamatsu, ce genre de comportement fini toujours par être puni d’une manière ou d’une autre… Il n’est pas toujours aisé de saisir le sens des films de Wakamatsu, et VIERGE VIOLENTE ne déroge pas à la règle, bien au contraire. A tel point que tout le blabla qui précède n’est peut-être que du vent et que je suis passé complètement à côté des propos du film, et que je n’ai nottament pas vraiment saisi le délire de notre homme qui est persuadé d’avoir une queue comme n’importe quel canidé... Un détail absurde et surréaliste qui a probablement son importance mais dont le sens profond m’échappe (est-ce pour dire que la frontière entre l’homme et la bête est infime, s’agit-il d’un symbole phallique de base, est-ce que ça illustre la dévotion du chien à son maître,… ?). A côté de ça retrouve bien sûr de nombreux aspects récurrents au cinéma de Wakamatsu : un lieu unique (ici un désert), une petite poignée de protagonistes, une équipe technique réduite à son minimum, des scène érotiques prenant le contrepied du pinku censé faire grimper l’érectomètre, le tout pour un tournage éclair que l’on devine éreintant pour l’homme et la femme, le premier déambulant nu comme un vert à travers des dunes au profil accidenté, la deuxième suspendue à sa croix dans le plus simple appareil pendant la quasi intégralité du métrage. Le film est malheureusement un peu répétitif et pas toujours entraînant, et la nébulosité de ses propos le rend quelque peu hermétique, mais sa courte durée (environ une heure) permet de ne pas trop en tenir rigueur. Pas du grand Wakamatsu, mais un film clairement intriguant et inévitablement pervers aux images sublimes parfois carrément marquantes. | |
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