Cette magnifique actrice avait surtout fait carrière en Italie, jouant aussi bien chez Fellini ou Bolognini que chez Tinto Brass ou Sergio Martino (TORSO). Paix à son âme. Ci-joint le très bel hommage paru dans "Libération".
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Tina Aumont, nuit sans étoile
Par Philippe Azoury
La comédienne égérie du cinéma underground s'est éteinte samedi à 60 ans.
Tina Aumont, la femme chat, est morte dans son sommeil samedi à l'aube, à Port-Vendres, des suites d'une insuffisance respiratoire. Née un 14 février 1946, à Hollywood, Marie-Christine est la fille de l'extraordinaire Maria Montez et de Jean-Pierre Aumont. Sur son berceau, un poème de Cocteau fait part de la naissance de «la Fille aux étoiles».
Khôl noir. A 17 ans, ex-pensionnaire des couvents suisses, elle fait la couverture de Paris Match. On y annonce ses noces avec Christian Marquand (rencontré à Mégève avec la clique à Vadim) et ses débuts au cinéma avec Joseph Losey, dans Modesty Blaise. «A Londres, j'étais venue saluer Losey de la part de Robert Aldrich. Il m'a demandé si je savais faire de la moto. Je me suis retrouvée sur le tournage. Je ne savais pas conduire une moto, je suis rentrée droit dans un mur.» Parabole presque trop belle pour qui voudrait décrire une vie électrique, lancée à bride abattue dans toutes les accélérations, dans tous les dangers, sans se soucier des obstacles éventuels.
Un mètre soixante-seize, des yeux incroyables ourlés au khôl noir, un corps tombé tout droit de la mythologie ( «une des plus belles femmes au monde», de l'avis expert du cinéaste Tinto Brass), Tina, redevenue Aumont après divorce, incendiera Cinecittà. En mai 1968, dans Partner de Bernardo Bertolucci, elle récite du Roland Barthes, les paupières maquillées en hommage à Orphée. Elle a pour partenaire Pierre Clémenti, dont elle est le pendant féminin. Comme lui, elle fréquente Viva, Nico et Philippe Garrel, le peintre psychédélique Frédéric Pardo, Marianne Faithfull, Anita Pallenberg, les Stones, Terence Stamp, Marlon Brando.
Elle est une sensuelle Carmen spaghetti dans l'Homme, l'Orgueil, la Vengeance, western inspiré de Mérimée, avec Franco Nero et Klaus Kinski. C'est le déclic : «Je ne suis pas envahissante, mais je suis une présence qu'on ne peut pas ignorer.» Tinto Brass (Urlo, Salon Kitty), Mauro Bolognini (Metello, la Grande Bourgeoise), Francesco Rosi (Cadavres exquis), Vincente Minnelli (Nina) réclament cette Raquel Welch underground et libre.
Sexy. Elle prolonge son rôle dans le Casanova de Comencini en devenant la femme aimée du Casanova de Fellini. Rossellini la voit en Marie-Madeleine de son Messie. Elle fait quelques films sexy, bien dans le style italien Ciné Revue (la Princesse nue, Divine Créature) mais, déjà prise, rate Suspiria, que lui proposait Dario Argento. En France, Tina Aumont réserve ses «apparitions» au cinéma poétique de Philippe Garrel (les Hautes Solitudes, aux côtés de Jean Seberg et de Nico).
«Héro». En 1976, durant un séjour en Malaisie, elle apprend qu'elle a été balancée en Italie pour usage et détention de stupéfiants. Cette Italie qui a déjà enfermé Clémenti ne lui fera pas de cadeaux. «L'héro, c'était de la provocation et beaucoup d'inconscience.» Elle revient en France, où elle rentre en collision avec la bande du Palace : Paquita Paquin, Edwige, Octavio, Yves Adrien et surtout Alain Pacadis. Ses virées avec Paca (dont une, épique, à Saint-Tropez) écriront les riches heures de la chronique Night Clubbing de Libé.
Elle brûle une condamnation par contumace, qui ne concerne que l'Italie, en une longue décennie de fêtes parisiennes. Sa voix de cendre, son allure originale, sa fatigue dandy, ses excès, font peur au cinéma français des années 80-90 : elle devient rare. Elle était à fleur de peau, généreuse et détachée : «Dès que j'ai carte blanche, resurgit mon style froid, un peu lointain. Ailleurs.» Où ça, Tina ?