CAPE FEAR aka Les Nerfs à Vif aka Le Cap de la Terreur - J. Lee Thompson avec Gregory Peck, Robert Mitchum, Polly Bergen et Lori Martin, 1962, États Unis, 105 min.
Sam Bowden, c'est le petit avocat, d'une petite ville, qui vit une vie de rêve avec sa petite famille. Arrive, Max Cady, qui sort de huit ans de prison, basé sur un témoigagne de Bowden. Maintenant qu'il est libre, Cady décide de terroriser celui qui a causé son emprisonnement en mettant dans la tête de l'avocat qu'il pourrait s'en prendre à sa fille. Les apparitions de Cady se font de plus en plus nombreuses, le chien de la famille meurt empoisonné et Bowden en est rendu à laisser ses principes de côté pour en finir une fois pour toute.
Quand on parle de CAPE FEAR, la plupart des gens parlent du remake fait par Martin Scorsese. Il est dommage de constater que le film de J. Lee Thompson a été passablement oublié. Dommage car ce film de 1962, n'est pas seulement un film d'une technique irréprochable, mais est aussi un thriller audacieux, qui présageait le changement d'un hollywood qui allait se radicaliser sur ses valeurs, avec des artisants de plus en plus engagés. Si le film de Scorsese est plus extravagant que celui de Thompson parvient dans une trame et une maîtrise classique, a exploré un sujet qui ne l'est pas du tout et s'avère éthiquement controversé.
En fait, si un exemple avait à être donné pour faire un thriller simple, mais de qualité, CAPE FEAR serait un incontournable. Il est un archétype hollywoodien d'une utilisation efficace de plusieurs éléments de base du thriller. D'abord, une simplification des physiques des personnages, Mitchum un balèze, une gueule d'enfoiré et un Gregory Peck, qui transpire le transparence et l'honnêteté. Ensuite, une bande sonore inquiétante et omniprésente, composé par le légendaire Bernard Hermann. Finalement, une approche mathématique de la mise en scène avec des last minute rescue, dignes des meilleurs Griffith. Thompson par contre, dans une mise en scène classique, est capable de sortir quelques perles. La scène la plus éloquente et qui vient donner le ton au film est celle de la mort du chien, le personange principal apprend la nouvelle chez le vétérinaire, ferme la porte de la pièce avec une image se fondant sur celle de sa fille bouleversée. Thompson vient mettre en relation la mort d'un animal sans défense, avec la future mort de sa fille avec un fondu et une utilisation de la porte montrant un retour en arrière impossible. Parfois avec peu de choses, on peut en faire beaucoup.
L'élément historiquement important du film de J. Lee Thompson, c'est que cette adaptation du roman THE EXECUTIONERS, était pour l'époque, une entreprise extrêmement audacieuse. CAPE FEAR montre de façon fort claire, l'illogisme d'une société qui protège plus les criminels que les victimes avec une police incapable de faire quoi que ce soit. De faire un constat de la sorte comme élément principal du film, sans ironie et sans humour, était pour l'époque très courageux et en tant que tel, CAPE FEAR est en avance sur son temps, étant précurseur de la vague pessimiste du cinéma des années 70, sur les troubles graves d'une société en déchéance. Certains ont dit que le film encourageait l'idée d'une société où les citoyens se font vengeance entre eux, je ne suis pas d'accord. Le film montre la ligne entre les deux choix du personnage principal et que dans la situation de Bowlen, le choix disparaît peu à peu pour obliger l'action. Soit Bowlen agit, soit sa fille meurt, il le sait, Cady le lui a annoncé indirectement. Difficile de ne pas ensuite rattacher CAPE FEAR avec la position beaucoup plus extrémiste et claire d'un DIRTY HARRY qui arriverait 10 ans plus tard.
Robert Mitchum est partout, c'est le méchant idéal, un être calme et fort, qui a l'air constamment en contrôle. Thompson a eu la bonne idée de le rendre complètement omniprésent, filmé de tous les angles, de tous les points de vue. Alors que l'on souvent les personnages principaux en plans rapprochés, Mitchum s'insère absolument partout, consolidant sa présence dérangeante et l'idée que ce malade peut à tous moments agir de façon abjecte. Si Peck a le rôle principal, l'attachement que l'on crée en tant que spectateur pour ce dernier, dépend de la mosntruosité et de la performance incroyable d'un Robert Mitchum,moins théâtral, mais aussi inquiétant que dans NIGHT OF THE HUNTER. Un autre fort intéressant est que plus le film avance, moins MItchum est présent, quand il est omniprésent dans le premier 45 minutes. La tension est tellement bien présenté par la présence de Mitchum, dont la méchanceté montre en crescendo, qu'on sait bien lors de sa dernière ''attaque'' qui n'est plus du tout psychologique, que quelqu'un ne s'en sortira pas vivant.
Le scénario de base laisse penser qu'on pourrait être en présence d'un film de Hitchcock, tellement la base, avec un héros qui se retrouve sans aucune issue, suit les traces du maître du suspense. Sans parler de la présence de Bernard Hermann, de Gregory Peck et d'une équipe de production qui était plus tôt, celle attitrée à Alfred Hitchcock. La vision presque mathématique de la trame narrative de Thompson, où les scènes se ressemblent étrangement toutes entre elles au niveau des actions et apparitions des personnages, vient accentuer la détresse d'un personnage principal tentant toujours tout en vain, tandis que le vilain s'en sort à chaque fois.
Pas impressionnant de voir que Scorsese voulait faire ce film tant il était déjà riche à son époque. Si le jeu des comparaisons est facile à faire entre les deux versions, elle montre deux visions, une classique et une éclaté d'une trame narrative intéressante à modeler. Un film fort impressionnant.