BEATRICE CENCI - Italie - 1969 - De Lucio Fulci avec Tomas Milian, Adrienne Larussa, Georges Wilson, Mavie Hôrbiger, Antonio Casagrande.
Attention, baffe intergalactique qui risque de vous envoyer K.O. un bon coup. BEATRICE CENCI est un des Fulci les plus méconnus, au grand dam de ce dernier qui l'a toujours considéré comme son meilleur film. La raison à cela est simple : BEATRICE CENCI est le film le plus extrême du bonhomme, non pas parce que c'est insoutenable visuellement comme on en a l'habitude avec pépé Lucio, mais davantage parce qu'il offre une vision noire de l'humanité et plus particulièrement de la religion qui ne plaira pas à tout le monde, d'ailleurs personne ici ne s'étonnera du scandale qu'a fait BEATRICE CENCI à sa sortie en Italie en 1969, scandale qui à failli mettre un terme à la carrière de Lucio Fulci. Le film ne sortira jamais en salles en France et il faudra attendre des années pour que l'éditeur défunt Néo Publishing, dans sa générosité habituelle, l'édite en DVD (DVD qui est aujourd'hui disponible dans son édition simple pour 2€ sur priceminister), dans une édition qui déchire qui plus est, entièrement non-censurée et d'une belle qualité qui permet à cette perle subversive de faire péter tout son potentiel. BEATRICE CENCI, un scandale oui, mais surtout un chef d'oeuvre et l'oeuvre la plus jusqu'au boutiste d'un des cinéastes les plus jusqu'au boutistes et extrêmes de l'histoire du cinéma. J'ai découvert cette petite perle aujourd'hui et je ne m'en suis pas encore remis : d'une subversion incroyable et d'une rare sauvagerie, BEATRICE CENCI est un des films les plus importants de Lucio Fulci dans le sens ou les bases de la vision noire de l'humanité et de la décadence de cette dernière au travers du sexe (L'ÉVENTREUR DE NEW YORK) ou de la religion (dire le nom auquel je pense serait vous gacher un grand film...) sont ici posées. Fulci, qui à l'époque, n'avait fait que des comédies et un western avec Franco Nero (LE TEMPS DU MASSACRE), surprend tout le monde avec cette oeuvre sans concessions ou la religion catholique s'en prend méchamment la gueule, à partir de cet instant il sera pendant longtemps la tête de turc de critiques visiblement abrutis, c'est dire combien les italiens lui en voulaient...
La raison de ce scandale, inutile de la chercher. Fulci ne fait pas de détour et va droit au but. Présentant l'Eglise comme de véritables enculés avides de fric, celle-ci s'en prend plein la gueule pendant 1h30 de métrage, en effet, ici il n'y en a pas un qui soit mieux que l'autre, tous sont de véritables enfoirés sans pitié et sans aucun remords tant qu'ils arrivent à leur fins : dans BEATRICE CENCI, les personnages incarnant la religion catholique sont à la fois voleurs, assassin et tortionnaire, en effet BEATRICE CENCI contient son lot de scènes chocs en particulier lorsque celles-ci s'attardent sur les tourments infligés aux personnages principaux. Assez atroces, ces scènes sont d'autant plus difficiles à avaler lorsque les tortionnaires se donnent bonne conscience ("Moins vous serez riche, moins vous commettrez de scélératteries!" Autant dire que ça n'a pas plu à tout le monde...), autant le dire clairement : Fulci n'y va pas par 4 chemins et rend le message de son film très clair, message qu'il sera obligé de transmettre par le biais du cinéma d'exploitation en raison du scandale qu'a causé ce BEATRICE CENCI, ce même message qui atteint son apogée subversive lors d'un final intelligent et qui risque de vous foutre K.O. un petit moment... Evidemment, la subversion du film n'est pas sa seule force et on retrouve ici ce qui fait la force du cinéma de Fulci : premièrement, la photographie est IM-PE-CCABLE, soutenant avec brio des décors magnifiques qui renverraient presque au baroque par moments. Ces décors, au passage sobrement mais superbement éclairés, sont mis en scène par un Fulci au meilleur de sa forme dont on retrouve toutes les trademarks : léger érotisme, une ambiance légèrement onirique également et bien évidemment la violence.
La violence, si elle est bien présente ici, risque de décevoir les fans de Fulci qui ne se sont pas aventurés du côté de sa période giallo (LA LONGUE NUIT DE L'EXORCISME, LE VENIN DE LA PEUR, L'EMMURÉE VIVANTE...), en effet inutile de vous attendre à du gore grand guignol façon FRAYEURS ou L'AU-DELA, car BEATRICE CENCI, s'il contient son lot de scènes de violence est davantage construit autour d'une violence certes moins impressionnante visuellement mais beaucoup plus forte moralement tant elle ébranle le spectateur émotionnellement : chaque scène de torture, -dont le réel motif, explicité à la fin, risque de vous foutre le blues un bon coup-, fait mal. Fulci joue avec la sensibilité de ses spectateurs en construisant des personnages relativement attachants malgré l'interprétation et l'écriture loin d'être phénoménales, personnages qu'il détruit avec une froideur et une sauvagerie sans précédents lors de scènes de violence brillament orchestrées et mises en scène. En effet, si le film de Fulci ne brille pas par le jeu de ses acteurs (la faute au doublage italien, le seul disponible sur le DVD de Néo... Un doublage anglais aurait sans doute été mieux, puisque ça aurait signifié Tomas Milian avec sa vraie voix!) ni par son écriture (correcte toutefois, faut pas déconner, et suffisamment intelligente pour permettre de véhiculer un propos aussi violent que celui de BEATRICE CENCI.), ses défauts sont rattrapés par le talent de Lucio Fulci à orchestrer nimporte quelle scène avec brio, quelles que soient les circonstances, Fulci livre des plans absolument magnifiques et monte son film avec talent. L'addition de tout cela donne une grande intensité à BEATRICE CENCI et le choix de monter le film dans un ordre non-chronologique s'il peut rebuter est parfaitement justifié et donne un rythme intéréssant au film de Fulci.
Du côté des acteurs, on retrouve Tomas Milian (COMPANEROS, BRIGADE SPÉCIALE, LA LONGUE NUIT DE L'EXORCISME), doublé en italien malheureusement, ce qui est une hérésie dans la mesure ou ce dernier fait preuve de talents d'acteur considérables lorsqu'il utilise sa vraie voix, mais on retrouve également la assez mauvaise Adrienne Larussa et le pas très bon quand il se met à causer italien mais charismatique et imposant dans le rôle d'un bad mother fucker en puissance Georges Wilson (LA LONGUE NUIT DE L'EXORCISME), dont la carrière en Italie à été plus ou moins florissante en partie grâce à Fulci, mais je m'égare... Tous, s'ils ne brillent pas par des performances sidérantes, font preuve de présence et de charisme et maintiennent suffisamment de niveau dans leur interprétation pour que leurs répliques soient supportables à l'écoute, répliques qui, s'ils ne sont pas brillantes par leur écriture, ont le mérite de toutes faire passer leur message et d'aller droit au but, pour autant Fulci n'utilise jamais une quelconque forme d'écriture informative, bien au contraire, comme à son habitude, c'est la caméra qui parle le plus et c'est davantage sa mise en scène qui est informative, qualité que j'aime beaucoup chez ce cinéaste tant l'écriture informative à tendance à m'agacer...
A cela se rajoute une ambiance assez étrange, assez glauque que l'on retrouvera dans LA LONGUE NUIT DE L'EXORCISME (LE chef d'oeuvre de Fulci à mes yeux.), ambiance, comme je le disais, servie par des décors impressionnants de beauté et par une musique loin d'être mémorable mais qui illustre suffisamment bien BEATRICE CENCI musicalement... J'entends beaucoup me dire que ca tchatche un peu trop dans ce BEATRICE CENCI, je ne suis pas d'accord une seule seconde... Certes, il y a beaucoup de dialogues mais tous sont utiles à faire avancer un propos pas nécessairement facile à digérer pour tout le monde (Ce film n'est PAS pour les catholiques...) mais qui moi m'a fait violemment plaisir, alors oui peut-être ces scènes de dialogues ont tendance à nuire légèrement au rythme du film à la longue... Mais si ça amène un tel niveau de subversion, on peut pardonner non?
En somme, BEATRICE CENCI est un chef d'oeuvre, un véritable coup de poing dans la tronche qu'il est difficile d'oublier, certainement un des meilleurs films de Lucio Fulci et sans doute son oeuvre la plus subversive, le bonhomme, sans aucune concession, balance dans la gueule de son pauvre spectateur un message nihiliste au possible : le plus horrible des monstres, c'est nous! BEATRICE CENCI est le premier film d'une oeuvre inégale certes mais tellement passionnante... LUCIO FULCI IS GOD et BEATRICE CENCI est sans doute un de ses meilleurs films, une oeuvre puissante et sombre, à voir donc.