MS.45 aka L’ANGE DE LA VENGEANCE
Abel Ferrara, Etats-Unis, 1981, 1h20.
Avec Zoe Tamerlis.
Thana est une jeune couturière muette, qui travaille chez un styliste de Manhattan. Un soir, alors qu’elle rentre chez elle, elle est attaquée dans une ruelle. Un homme masqué la viole. Lorsqu’elle rejoint son appartement, elle y surprend un cambrioleur, qui la viole à son tour. Thana parvient à tuer son agresseur. Après avoir découpé son cadavre en morceaux, elle décide de se faire justice en semant la mort à l’aide d’un calibre 45…
Deuxième film d’Abel Ferrara (si l’on excepte ses pornos 70’s), cet ANGE DE LA VENGEANCE constitue un jalon fondamental du Rape and Revenge, sous-genre du film de vengeance. Le sous-texte politique ambigu, à la fois réactionnaire des valeurs et critique du système en place, des DEATH WISH et consorts se trouve déplacé sur le terrain sexuel. Mais considérer l’œuvre de Ferrara sous le seul angle d’un film « puritain » est aussi à côté de la plaque que de ne voir en DEATH WISH (UN JUSTICIER DANS LA VILLE) ou WALKING TALL (JUSTICE SAUVAGE) que des œuvres fascisantes. Certes, Thana va parcourir les bas-fonds d’un New York cauchemardesque pour débarrasser la ville des représentants les plus caricaturaux du genre masculin (un maque, un photographe de mode, des délinquants, un émir consommateur de prostituées etc.). Le ver est dans la (grosse) pomme, nous dit Ferrara.
Mais la rébellion de son ange exterminateur de personnage principal est également d’essence féministe. Peu tendre pour ses contemporains de sexe masculin, le cinéaste ne s’exclut d'ailleurs pas de la critique, lui qui joue le rôle du premier des violeurs de Thana, sous le pseudonyme de John Laine. Au fur et à mesure qu’elle passe à l’action, la jeune couturière dévoile son sex-appeal, symbolisé par un maquillage labial gras et luisant, dont la rougeur impressionne littéralement l’écran. Dans ce rôle, qu’une dernière scène (je ne la dévoilerai point) fera passer à la postérité, Zoe Tamerlis se montre exceptionnelle, et incarne son personnage avec une confondante sincérité.
Certains n’apprécient que modérément l’obsession christique d’Abel Ferrara. Au moins appartient-il à la famille des prêtres défroqués. Chez lui, le bénitier n’est jamais loin du caniveau. On retrouve dans cet ANGE DE LA VENGEANCE sa justesse de regard et son sens de la topographie urbaine. Excepté quelques coups de grand angulaire (hommage à Michael Winner, le père de DEATH WISH, dont c’était la marque de fabrique ?), sa vision de la ville passe par des plans moyens, sans sophistication superflue, cadrés avec ce qu’il faut de précision et de nervosité. Comme pour ses autres grandes réussites, Ferrara est épaulé par le scénariste Nicholas St John et le musicien Joe Delia, qui signe une trame sonore diablement efficace. Vecteur de cette redécouverte, le DVD Zone 2 édité par Aquarelle s’avère techniquement remarquable et contient des bonus instructifs et agréables (l’autopsie du « revenge movie » par Jean-Baptiste Thoret et les souvenirs de cinéphile de Christophe Lemaire autour du film). Un must ! Stelvio
Affiche française : http://www.devildead.com/indeximagetop.php3?section=0&FilmsID=456&typevis=1&naffiche=1&langage=1