Kerozene
Nombre de messages : 3521 Date d'inscription : 16/01/2006
| Sujet: MAIS NE NOUS DELIVREZ PAS DU MAL - Joël Séria, 1971, France Jeu 3 Jan - 3:59 | |
| aka: DON'T DELIVER US FROM EVIL Anne est fille de châtelain, elle est une brune adolescente au regard malin. Lore est sa meilleure amie, elle est blonde, ses yeux bleus la font passer pour un ange et elle semble transpirer l’innocence. Toutes les deux sont en internat, dans un institut religieux, et ensemble, elles ont décidé de ne vouer leur vie qu’au Mal, au service de Satan. Ce qui au départ n'apparaît être qu’un jeu cruel - comme faire accuser leurs petites camarades de classe de délits qu’elles n’ont pas commis ou à s'adonner à des lectures de récits polissons - glisse doucement mais définitivement vers sadisme et la perversité. Le couple fusionnel s’amuse alors à semer le trouble, en particulier chez les personnes les plus vulnérables, à commencer par des paysans simples d'esprits. Elles provoquent sexuellement un gardien de vaches puceau et vont jusqu'à tuer les oiseaux de compagnie d’un pauvre jardinier muet, par exemple… Joël Séria porte un regard sombre et désabusé sur la jeunesse, au point d’en devenir dérangeant. Ses deux héroïnes, abominables pestes s’adonnant à des rituels païens ou jouant de leurs charmes de manière pernicieuse, rendent en effet le visionnement quelque peu inconfortable. Le réalisateur va même jusqu’à suggérer que les germes du Mal sont présents en chaque enfant si on en croit ce plan montrant une rangée de marmots ricanant en pleine messe dominicale et tirant la langue de manière insolente en direction du curé aux propos régressifs. Mais si le Mal est présent chez les enfants, il l’est aussi chez les hommes et femmes d’église. Et c’est particulièrement sur ce point que Joël Séria fit s’exciter les censeurs de l’époque. Anne et Lore épient deux bonnes sœurs s’adonnant aux joies du saphisme avant qu’Anne aille les dénoncer auprès du Père Supérieur dont le regard s’illumine aussitôt d’une étincelle lubrique. L’utilisation de symboles religieux par Séria semble être motivée par une sincère volonté de titiller le bigot là ou ça le dérange, plus particulièrement lors de la scène de la messe satanique où les filles, après s’être échanger une goutte de leur sang, avalent une Ostie pour le coup souillée. Et il ne fait aucun doute que l’effet recherché a été atteint. Mais ces actions, ces provocations, aussi cruelles et perverses soient elles, ne sont finalement pas gratuites. Séria ne balance pas niaisement quelques plans blasphématoires juste histoire de faire chier les curés de bénitiers, mais il pose une vraie question de fond peut-être moins originale plus de 35 ans après la sortie du film mais pourtant toujours d’actualité : et si l’éducation religieuse et le conservatisme primaire étaient en partie à la base des maux de l’humanité ? Car quelles sont les motivations d’Anne et Lore, si ce n’est le désire propre à tout adolescent d’aller à l’encontre de l’autorité parentale et scolaire ? Et que plus forte est la répression, plus violente est la réaction ? Lorsqu’Anne, sans sa complice, étouffe de ses mains nues un oiseau sans défense, son excitation fait soudainement place à la peur, au remord et à la tristesse. En larme, elle part prier dans une chapelle. L’espace d’un instant, la façade de la brune s’effondre pour faire place à une humanité débordante, dévoilant ainsi sa vraie nature en transformant ce lieu de culte abrutissant en un apaisant lieu de recueillement. La religion ne devrait-elle pas être pratiquée de la manière la plus simple et neutre qui soit, sans bourrage de crâne ni règlements rébarbatifs, mais en étant simplement basé sur le bon sens de chacun ? Quoi qu’il en soit la réalité reprend vite le dessus. Le film se termine de la manière la plus dramatique qui soit, final choc et perturbant, ultime doigt d’honneur de deux adolescentes qu’un système éducationnel aura poussé dans ses derniers retranchements à tous les représentants de l’autorité, qu’elle soit religieuse, parentale ou étatique. La baffe est douloureuse et il n’est pas difficile de comprendre les raisons pour lesquelles la censure s’acharna contre cette perle vénéneuse en son temps.
Dernière édition par le Ven 4 Jan - 3:03, édité 1 fois | |
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Mario aka blanc citron Admin
Nombre de messages : 6039 Age : 67 Localisation : Québec Date d'inscription : 15/01/2006
| Sujet: Re: MAIS NE NOUS DELIVREZ PAS DU MAL - Joël Séria, 1971, France Jeu 3 Jan - 9:29 | |
| Vu il y a quelques années, le film dérange toujours mais on imagine facilement comment ce devait être à sa sortie ! _________________ Mario aka Blanc Citron
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Kerozene
Nombre de messages : 3521 Date d'inscription : 16/01/2006
| Sujet: Re: MAIS NE NOUS DELIVREZ PAS DU MAL - Joël Séria, 1971, France Ven 4 Jan - 3:04 | |
| Texte modifié | |
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Mario aka blanc citron Admin
Nombre de messages : 6039 Age : 67 Localisation : Québec Date d'inscription : 15/01/2006
| Sujet: Re: MAIS NE NOUS DELIVREZ PAS DU MAL - Joël Séria, 1971, France Ven 4 Jan - 7:08 | |
| C'est beau ! _________________ Mario aka Blanc Citron
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Stelvio 71
Nombre de messages : 456 Localisation : Paris Date d'inscription : 16/01/2006
| Sujet: Re: MAIS NE NOUS DELIVREZ PAS DU MAL - Joël Séria, 1971, France Dim 20 Jan - 8:51 | |
| Ah, superbe film, très marquant et original ! J'avais vu Joël Séria et Jeanne Goupil il y a quelques années au festival du film culte de Saint-Gilles Croix de Vie. Ils forment un couple très sympa, ce film leur a laissé beaucoup de bons souvenirs... Stelvio | |
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| Sujet: Re: MAIS NE NOUS DELIVREZ PAS DU MAL - Joël Séria, 1971, France | |
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